Avec son air de ne pas y toucher, cet enfoiré de Pascal me dit : - Toi qui écris des polars, des pièces de théâtre, des scénarios... Pourquoi tu n’écris pas pour la BD ?
Silence... bruits de ressorts à l’intérieur... détails idiots dans mon champ de vision...
Comme s’il existait pour moi, à l’évidence, une maison idéale, spacieuse et colorée, et que je m’entête à tourner autour en habitant dans des bicoques incertaines et branlantes. Le pire est qu’il avait foutrement raison. La bande dessinée synthétise tout ce qui me passionne dans l’écriture : le sens de l’histoire et la musique des mots du roman, la dramaturgie et la double lecture du théâtre, les idées visuelles et le flow des dialogues du scénario. Entrer dans cet univers m’a fait devenir ce que j’étais déjà, en meilleur et plus fort, car la BD a offert une corde supplémentaire à mon arc créatif pour viser ce que je cherche toujours à atteindre, soit le cocktail idéal dans l’harmonie de mes préférences : le genre polar, la critique sociale, l’humour et la poésie.
À présent, je crois qu’il est temps aussi de vous faire un aveu très personnel concernant mon héroïne adorée, Philippine Lomar. Voici ce que l’on pourrait appeler mon coming out d’inspiration ! Sans aucune protection, j’ose dire aujourd’hui que Philippine est la fille que je n’ai jamais eue, ou plutôt, pour être tout à fait précis et sincère, c’est l’enfant que j’ai perdue. Ne pleurez pas sur mon sort, les années sont passées sans et j’ai dû apprendre à faire avec. Vous l’aurez compris, c’est un drame sur lequel je ne vais pas m’étendre ici, mais oui : si Philippine Lomar est bien un clin d’œil féminin à Philip Marlowe, le détective de Raymond Chandler, c’est surtout ma fille de substitution, ma forme de résilience littéraire.
La bande dessinée représente donc aujourd’hui tout ce que j’aime, ce que j’aurais pu aimer et tout ce qu'il me reste encore à aimer.